[ Mr Baptiste Touron a été enregistré chez lui à Objat en 2003]

– Qu’est ce qui vous a conduit à la Résistance ?

« En 1943, je travaillais avec Henri Gautier, un militant du parti communiste français, chez Monsieur Coudert, à Objat.
Ce militant m’avait chargé de faire les liaisons entre les camps et la boîte aux lettres qui se trouvait à l’époque chez Maurin, un restaurant situé en face de la pharmacie Carlet. Ces restaurateurs avaient les plis et la propagande pour le parti.
J’étais chargé de les apporter à différents camarades dans la région ».

– Quand êtes vous parti dans la clandestinité ?

« A un moment donné, nous avons été dénoncés, Henri et moi et nous avons été obligés de prendre le maquis. C’était début 1944. Il ne faisait pas chaud ! Je suis parti sans prévenir mes parents ni personne. Je suis allé à la 23.20 ème  compagnie FTP qui se trouvait à l’époque à Beyssac, entre Pompadour et Vignols. Là, j’ai fait encore l’agent de liaison pour la 23.20 ème, pour la 235 ème compagnie FTP. Je ne rentrais plus chez moi. Je rejoignais soit un camp, soit un autre. On montait les plis tous les jours ou tous les deux jours, en fonction de ce que le camp avait fait (actions, accrochages, coups de mains…), à Clergoux en Haute- Corrèze, au PC du bataillon de la 2ème

Permis de Mr Baptiste Touron

Permis de Mr Baptiste Touron

– Comment s’est passé votre arrestation ?

« C’est en faisant une liaison en vélo que nous nous sommes fait arrêter avec Paulo Chastanet. Nous allions à Clergoux. A cette époque-là, les Allemands remontaient sur la Normandie.
C’était dans le courant du mois de juin, l’année de mes 18 ans, après le débarquement.
Ils nous ont interceptés à l’intersection de Perpezac-le-noir et de la nationale 20. Ils nous ont emmenés à Uzerche. Ils nous ont fait descendre du camion et ils nous conduisaient vers le bas du bourg. Ils avaient l’intention de nous fusiller. Ils nous faisaient marcher, le fusil collé dans le dos.
Au moment où on arrivait, « Guingouin » et son groupe de résistants les attaquaient à la sortie d’Uzerche. Je dis toujours que c’est lui qui nous a sauvés d’une exécution. Pris de panique, les soldats nous ont laissés et c’est là que nous nous sommes sauvés avec Paulo. Nous sommes partis dans le cimetière et nous nous sommes cachés dans une tombe en attendant que ça se passe ! Après, nous sommes partis sur la voie de chemin de fer du « Paris- Toulouse ». Nous sommes allés jusqu’à Vigeois puis nous sommes redescendus par ici et retournés à Pompadour.

– Où cachiez- vous le courrier pour le maquis ?

« Nous avions enlevé l’intérieur des dynamos de nos vélos et nous mettions tout le temps nos plis dans cette cachette improvisée. Ils n’ont jamais trouvé parce qu’ils ont tout démonté, les poignées du guidon… mais ils n’ont pas pensé à démonter la dynamo ! »

– A quoi avez-vous participé encore ?

« Après cette arrestation et notre évasion, j’ai continué avec les FTP jusqu’à la Libération. J’ai participé à la libération de Brive au Pont Cardinal… Avec le 126 ème régiment d’infanterie, nous avons continué jusqu’à Bordeaux, et la Pointe de Grave. Quand le 126 est monté sur l’Est, je suis rentré avec mon commandant qui était Monsieur Baluze, « Mammouth » de nom de guerre, directeur d’école à Allassac. Là, je me suis fait démobiliser car j’étais malade. J’ai fait une pneumonie qui a été mal soignée et s’est aggravée…
J’étais loin d’être un expert en armes. Jo Guérin doit le penser lui aussi. J’étais à Larche quand le grand « Jo » a été blessé par un milicien. Mais j’ai moi-même failli le blesser avec une Sten, cette fameuse mitraillette qui tirait dans les coins. Ca lui est passé entre les pattes !
Une autre fois à Clergoux, la mitraillette était tenue par une ficelle qui a craqué. Le coup est parti. J’ai coupé les cheveux à « Jo », encore ! Une dernière fois, nous étions à Bordeaux, « Jo » était dans son bureau. J’étais en face de lui. J’avais un colt de 9mm. Je ne sais pas ce que je trafiquais. Un coup part. Je lui tire entre deux orteils ! »

Deux anecdotes racontées par madame Touron, avril 2003.

« En 1952, l’année de notre mariage, nous descendions de Paris pour aller à Objat.Brusquement, en traversant Uzerche, j’ai vu mon mari se mettre à transpirer. C’était dans le bas d’Uzerche, vers l’endroit où le lieutenant Michel, Edouard Chauvignat, a été pendu et où Baptiste avait été conduit le jour de son arrestation. Je n’ai pas su à ce moment là pourquoi il ne se sentait pas bien. Il n’a rien pu me dire mais je l’ai vu changer littéralement de couleur. Un peu plus tard dans la journée il m’a dit : « Tu vois, j’ai manqué y passer ici ». C’est tout. Je n’ai pas pu savoir autre chose. Ce n’est sorti que petit à petit au cours des années.

A la Libération, quand les Résistants ont traversé Objat triomphalement, Baptiste conduisait le camion de chez Coudert. Jeannot, son frère plus jeune de trois ans, qui ne l’avait pas revu ni eu de ses nouvelles depuis plusieurs mois, l’aperçoit. Il a enfourché son vélo et a pédalé comme un fou jusqu’à Charrieras où habitaient ses parents pour s’écrier : « Papa, maman, j’ai vu le frangin. Il est vivant. »
Ma belle mère m’a souvent raconté cette histoire, les larmes dans les yeux.
C’est dur de ne pas avoir de nouvelles dans des moments si troublés. »

Carte de combattant volontaire de la résistance

Carte de combattant volontaire de la résistance

Monsieur Baptiste Touron est décoré de la légion d’honneur.

Mr Baptiste Touron en 2010

Médaillé Combattant Volontaire de la Résistance ; Titulaire de la légion d’honneur.

RAJOUT: Monsieur Touron nous a quittés le 5 janvier 2011. (voir dans « archives »  à janvier 2014). Madame Touron nous a prêté d’autres documents à propos de son mari: voir article mis en ligne en janvier 2017.

 

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