A propos de la mort de « Mario » le 8 avril 1944

Témoignage de monsieur André Chouffour,  enregistré en novembre 2014.

« J’ai vu récemment la brochure faite sur le groupe Jean Robert dans le Vaysse avec la photo de Mario mort et installé dans son cercueil. Des souvenirs sont remontés à la surface car j’étais présent au moment où cette photo a été prise.

Lorsque la mort de Mario a été sue, nous avons été quatre désignés par la mairie pour aller récupérer le corps le dimanche. Il y avait Albert Parveau, fils du maire, son beau frère Jean Piette, Gaston Geneste et moi, André Chouffour.

Albert attendait à l’usine Parveau, là où nous devions emmener le corps de Mario puisque c’était là que le cercueil devait être fabriqué.

Piette et Geneste sont venus dans notre village (La Chassinie) pour me retrouver. J’avais en effet à la ferme un cheval et une remorque; c’était nécessaire pour transporter le corps.

 Nous sommes allés à l’endroit où était tombé Mario en prenant des chemins différents. Mais quand nous nous sommes retrouvés à la gare du Vaysse, le cheval n’a plus pu avancer. Les Allemands avaient mis le feu, ce n’était pas facile pour lui. Alors les 2 autres ont continué en direction de l’endroit où on leur avait dit qu’ils trouveraient Mario. Seulement, ils ne savaient pas exactement où était le camp des maquis. Ils sont revenus bredouilles et on est reparti tous les 3 pour chercher ensemble, une fois que j’ai eu attaché mon cheval.

Quand on a trouvé le corps, on l’a plié dans une couverture et on l’a remonté comme on a pu jusqu’à la charrette. On  a mis longtemps car ce n’était pas facile. Arrivés à la Garédie, en face d’une petite maison, chez Loubriat à l’époque, chez Denis maintenant, Gaston Geneste nous a fait arrêter, a pris son couteau, a commencé à couper des fougères pour mettre Mario sur ce lit de fortune. Nous trouvions ça plus correct.

Nous sommes repartis. A Lardailler, Gaston est rentré chez lui, puis plus loin à la ferme Parveau, Jean Piette s’est arrêté. J’ai continué jusqu’à l’usine où attendait Albert Parveau. Il râlait car il trouvait qu’on mettait longtemps.

Je lui ai dit : « Ecoute, Albert, on n’a pas fait comme on a voulu. » Alors il a répondu : «  Allons, travaillons ». Il avait installé des tréteaux, les planches du cercueil dessus. On a mis une couverture et posé mon Mario là. Il l’a débarbouillé, lavé ses mains. Quand il a soulevé Mario, j’ai été surpris car il avait un trou dans le front devant mais sa tête était toute éclatée par derrière. J’ai été très choqué.

Albert a mis une autre couverture puis, au moment de poser une planche sur le cercueil, il a dit : « Attends, soulève le cercueil et tiens le par-dessous, légèrement incliné. Je vais le photographier mais reste bien dessous ; il ne faut pas qu’on te voit. » Voilà pourquoi cette photo remue tant de souvenirs en moi. Je suis sous les planches !

Je me rappelle très bien comment était Mario quand on l’a trouvé : il avait un aspect « jauni » .(Les Allemands avaient essayé de faire prendre le feu mais dans le Vaysse  il n’y avait pas de sapins, les châtaigniers brûlent plus difficilement). Il avait les jambes mitraillées. La balle dans le front dont vous voyez bien la trace sur la photo, ça a dû être le coup de grâce. Ca ne faisait qu’un petit point rouge.

Je n’avais jamais vu de tué par balle. Je n’avais pas encore dix-sept ans. Je peux vous dire que ça choque. Aussi, quand j’ai vu l’état de sa tête derrière, j’ai eu un mouvement de recul.

Une fois Mario prêt, nous avons mis le cercueil sur la charrette et je suis parti à la mairie. Toto Terrier m’a aidé à le décharger et à le mettre dans la salle des fêtes (attenante à la mairie, à côté de l’église). Je suis parti, je ne sais pas pour la suite.

Sur le déroulement de l’enterrement le lundi de Pâques, je ne peux rien dire, je n’y étais pas. Je suis parti aussitôt après ce dimanche. C’était le jour du baptème de Gilles, mon cousin de Saint-Solve. J’étais attendu. »

IMGP0155

Monsieur Chouffour, né en 1927, 87 ans lors de l’enregistrement de ce témoignage.

Download PDF